Précognition - Prédire l'avenir
Vous avez dit précognition? Ceux qui disent voir l'avenir évoquent, en pratique, des pressentiments et des rêves prémonitoires (avant qu'un évènement se produise, le sujet s'en fait une représentation mentale: images, sensations...)
Prédire l'avenir. Des capacités d'anticipation insoupçonnées du cerveau.
Téléphoner à un ami au moment même où il allait appeler, se réveiller avec la désagréable sensation qu'un proche ne va pas bien et apprendre qu'il est malade... Beaucoup ont déjà connu cette sensation troublante d'anticiper l'avenir.
Faut-il remettre en cause les lois de la physique? Les psychologues invitent plutôt à interroger le mode de fonctionnement du cerveau. Car le plus souvent, ce qui ressemble à des aperçus du futur résulte en fait de mécanismes inconscients par lesquels il évalue la probabilité qu'existent des liens entre divers évènements.
Et les prédictions qu'il en tire peuvent être trompeuses... L'"ordinateur cérébral" crée parfois, a posteriori, un lien inexistant entre deux scènes, la plus récente venant éclairer la plus ancienne, qui prend alors des allures de flash de préscience. Cas typique: on pense à un ami et, justement, il téléphone... Comme si la pensée avait anticipé l'appel. En réalité, les deux évènements coïncident, sans lien aucun - et avec une probabilité que cela arrive plus grande qu'on l'imagine, les probabilités subjectives étant souvent érronées.
Mais cette aptitude rend généralement un précieux service, car elle permet de se préparer le plus en amont possible à ce qui peut se passer: attentif à ce qui l'entoure et à ce qu'il connaît (Qu'est-ce qui entraine quoi? Qu'est-ce qui ressemble à quoi?), en bonne machine à planifier, le cerveau peut ainsi réagir au quart de tour - et même avant: certaines actions motrices sont ainsi programmées plusieurs secondes avant qu'on en prenne conscience, comme l'a montré une expérience d'imagerie cérébrale menée en 2008 par l'équipe de John-Dylan Haynes, à l'Institut Max-Planck, en Allemagne.
Un "premier sens" inconscient ?
Peut-être cette tendance du cerveau pourrait-elle aussi expliquer les étonnants résultats d'expériences menées depuis la fin des années 70 dans une douzaine de laboratoires. Elles consistent à présenter des images violentes ou émotionnellement neutres à des volontaires, et à mesurer plusieurs paramètres physiologiques (rythme cardiaque, transpiration, etc.) avant, pendant et après leur visionnage.
Surprise: parfois, les mesures montrent la réaction... quelques secondes avant que l'image soit présentée. Comme si les sujets allaient deviner ce qu'il sallaient voir. A partir d'indices trop subtils pour que les expérimentateurs songent à les supprimer? Par exemple, les variations de sbruits du disques dur, hébergeant les images neutres et violentes dans des répertoires différents, auraient pu laisser deviner leur nature aux volontaires. Cela supposerait un talent auditif insoupçonné, d'autant que ce paramètre est bien surveillé.
Le psychologue clinicien américain James Carpenter envisage, plus généralement, une forme de perception qu'il nomme "première vue", qui permettrait de percevoir de sindices sur ce qui va arriver... Une pure théorie, dont il resterait à déterminer les mécanismes cognitifs. "Si les travaux actuels mettent en évidence ces anomalies concernant la 'perception' d'évènements futurs, elles doivent encore être liées à des activités spécifiques du cerveau", note Thomas Rabeyron, maître de conférence en psychologie clinqiue à l'université de Nantes.
Julia Mossbridge, psychologue à l'université Northwestern, pointait pour sa part en 2012, à la suite d'une vaste analyse statistique de 26 études, que ces dernières montraient un effet clair, mais faible. Tout en concluant que "la cause de cette 'activité anticipatrice', qui est sans aucun doute à chercher du côté de processus physiques naturels, reste à déterminer".
Source: Science & Vie n°1175, août 2015.