Hantise - Sentir la présence d'un fantôme
Vous avez dit hantise? Certaines personnes perçoivent parfois une présence invisible tout près d'elles, ou imposant une marque intangible à un lieu. Cette sensation peut s'accompagner d'une variation de température, de bruits et de mouvements d'objets inexpliqués. Elle survient plus facilement à l'endormissement ou au réveil.
Sentir la présence d'un fantôme. Une sensation créée de toute pièce par les lobes pariétaux et temporaux.
Où vivent les fantômes? Ceux qui en ont déjà vu évoquent de vieilles maisons, greniers oubliés ou cimetières... Mais ceux qui ont étudié scientifiquement la question regardent plutôt dans le cerveau, à la jonction des lobes pariétaux (au sommet du crâne) et temporaux (au niveau des tempes). C'est là, dans cette région qui intègre les informations provenant de nos sens et qui contribuent à la conscience de notre propre corps, qu'un chercheur de l'Ecole polytechnique de Lausanne a pour la première fois, en 2006, débusqué les fantômes.
En appliquant dans cette zone cérébrale de petits courants électriques, Olaf Blanke, du Laboratoire de neurosciences cognitives, a fait surgir chez sa patiente (souffrant d'épilepsie) le sentiment qu'une autre personne était dans la pièce.
L'expérience a été complétée l'an dernier à l'aide d'un bras-robot qui, placé derrière des volontaires (sans aucune pathologie), mimait leurs gestes en leur touchant le dos. Lorsque le robot reproduisait leurs mouvements avec un léger décalage temporel, les sujets avaient l'impression d'avoir été effleurés par une tierce personne.
La sensation que "quelqu'un" est présent n'implique pas qu'il soit de chair et d'os. Lorsqu'il peine à organiser les informations qu'il reçoit, le cerveau se laisse facilement convaincre que nous sommes suivis par un être, fût-il invisible. Une explication qui est loin d'être la seule, la hantise étant un phénomène complexe.
"La simple suggestion qu'un lieu est hanté augmente le nombre de vécus étranges, détaille Renaud Evrard, psychologue clinicien à l'université de Lorraine. Et l'on connait un biais cognitif, l'apophénie, qui pousse à voir des coïncidences partout et peut mener à la mauvaise interprétation d'ombres ou de sons ambigus."
Ce chercheur, l'un des deux fondateurs du réseau Circee, qui regroupe des spécialistes des "expériences exceptionnelles", relève que la fatigue extrême, la consommation de psychotropes, la haute altitude ou l'isolement social semblent aussi favoriser la perception de présences fantomatiques.
Un "détecteur" sous influence
Autres facteurs évoqués: un vécu difficile qui ressortirait de façon ainsi détournée... et l'environnement. Plusieurs expériences de terrain ont en effet révélé des "fantômes" d'origine aussi naturelle qu'inattendue. En 2000, Vic Tandy, de l'université de Coventry (Royaume-Uni), montrait notamment le rôle des infrasons (inaudibles par l'homme) autour de la fréquence de 19Hz dans le déclenchement de sensations "bizarres".
En 2003, Richard Wiseman, de l'université Clarkson (Etats-Unis), a souligné la présence de champignons du genre Stachybotrys - pouvant provoquer, au moins, chez la souris, de inflammations cérébrales, mais aussi un sentiment de peur et d'anxiété - dans les enceintes confinées que sont généralement les maisons "hantées". Notre "détecteur de présence" est, à l'évidence, étonnamment influençable...
Source: Science & vie n°1175, août 2015.